• Aimer, c'est trouver sa richesse hors de soi. (Emile Chartier, dit Alain).
     

    Cette citation m'en rappelle immédiatement une autre.  « L'amour fait grâce à l'homme de s'appartenir hors de ce qu'il est » ; elle est de Joë Bousquet, un magnifique poète carcassonnais de la première moitié du 20ième siècle.  J'avais 18 ans lorsque j'achetai mon premier livre de ce grand homme : « La connaissance du soir ».  Dans une petite librairie du Puys-en-Velay.  Je me souviens de Cathy qui m'y avait accompagné.  Je ne l'aimais pas exactement.  Elle était jolie.  Je lui avais immédiatement préférais ce recueil.  Je l'ai perdu et racheté combien de fois ? 

    Mais il s'agit d'Alain et de ce qu'il nous dit ici de l'amour.  Il nous parle de richesse, mais de quelle richesse est-il question ?  De celle que l'on ne possède pas bien sûr; de celle qui se dessine en creux.   Juste un peu plus loin dans la phrase, il précise sa pensée « ...je dis sa richesse intime... »  Si j'osais, j'ajouterais « extimement intime » en ce que l'amour n'a pas de lieu où se substantifier.Non ! ou plutôt oui !  L'amour nous rend paradoxalement riches d'être pauvres, c'est à dire sans dedans ; il est un pur dehors et nous rend riches de nous arracher aux grimaces d'un ego psycho-rigide : riches de n'être ni identité, ni crispation, mais vent...un vent sur le visage de l'autre.  Là encore, pardonnez-moi, me revient une phrase de Sartre cette fois-ci ; une phrase qui ne parle pas de l'amour, mais de la...conscience.  Ce qu'il en dit est étrangement semblable à ce que nous pourrions dire de l'amour : « ...la conscience est claire comme un grand vent, [qu']il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi[1] »

    Aimer, c'est trouver, sans l'avoir cherché, son salut dans une incessante course vers un ailleurs.  Aimer, c'est être ravi, au sens où le « ravi » est bien victime d'un rapt commis par un ravisseur ou bien plutôt par une « ravissante » ou un « ravissant » quel qu'il soit.  Reste à se tenir toujours disposé(e)s à l'envol, au départ, au voyage, à la bohème.

     

    Thierry Aymès

     

    (Copyright: T.Aymès/PACAINFOECO-www.pacainfoeco.com)


    [1] Situation 1, p.47 NRF Gallimard 1992, p.31-35


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  • Les temples érigés en l'honneur de la religion le sont, en vérité, en l'honneur de l'architecture. (Ludovic Feuerbach).

     
    Point « d'arrière-monde » pour ce philosophe allemand du 19ième siècle qui écrivit entre autre « L'essence du christianisme ».  C'est à ce dernier ouvrage que je me réfèrerai pour commenter succinctement la citation du jour. 
    En effet, le thème de ce dernier livre tourne principalement autour de la définition de l'objet religieux. Dieu, selon lui, n'est que l'essence humaine projeté au dehors de lui.  La religion, écrit-il ailleurs, « la confession publique des ses secrets d'amour ».  Or, l'homme ne se reconnaît pas en elle, il y dépose son « essence comme à un autre être ».  En l'enrichissant, il s'appauvrit. 
    Dès lors, que peut-on dire des temples, sinon qu'ils sont « inconsciemment » érigés en l'honneur de la religion, cet autre édifice dogmatique où nous aliénons notre essence, mais en l'honneur de l'architecture, cet art « divinement » humain. 

    C'est bien à l'être humain que la divinité doit être restituée par un renversement philosophique.  Parcourons donc avec Feuerbach un chemin qui nous conduit de la théologie à l'anthropologie dûment « re-divinisée ».  

     

    Thierry Aymès

    (Copyright: T.Aymès/PACAINFOECO-www.pacainfoeco.com)


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  • Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions. (Confucius).
     
    Apprendrait-on plus d'une question que d'une réponse ?  D'où nous viennent les questions que l'on se pose ?  Pas toutes les questions bien entendu ; il ne s'agit ici que des questions fondamentales, des questions métaphysiques qui sont la marque de notre humanité, le signe du dialogue que nous sommes à même d'établir avec l'Etre.  Se pencher sur les questions revient alors à chercher le sens de notre existence dans  cette capacité que nous avons à interroger notre condition. 
    Les réponses quant à elles, et quelles qu'elles soient,  sont mortifères, pétrifiantes ; elles viennent arrêter un processus où l'homme respire, où l'homme siège dans cette proximité avec le mystère fondamental de son Etre-là. 
    Chercher à comprendre les questions équivaut à situer notre identité radicale (à la racine) dans le questionnement lui-même. 
    L'homme est un pèlerin, « un pèlerin de l'Etre » comme dirait Karl Jaspers (1883-1969).  Il erre et doit perpétuer cette errance pour être humain.  Les réponses sont dangereuses en ce qu'elles donnent sur des certitudes qu'il ne s'agit plus alors que d'imposer d'une façon ou d'une autre.

    Confucius, par cette citation, nous invite à l'humilité.  

    Thierry Aymès

     

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  • Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver. (Marcel Proust).
     

    La vie de la vie serait-elle moins agréable que le rêve de la vie ? Entendons par là, le rêve conscient et non le rêve nocturne.  A condition que celui-ci ne soit pas un cauchemar, probablement.

    Mais ici la question est moins de savoir si une « vie rêvée » est plus souhaitable qu'une « vie vécue », que de chercher à comprendre l'impossibilité de sortir du rêve à laquelle l'auteur semble souscrire.

    Sort-on jamais du rêve en effet ?  La vie brute existe-t-elle ?  Cette vie dont on parle comme d'une référence, d'un repère, et qui serait à chercher en deçà  des images que l'on en a, au large de toute représentation, aux antipodes de quelque idée que l'on s'en fait ne serait-elle pas une chimère, tout comme la mort.  Cette vie-acte qui, par le fait même de son activité, ne permettrait aucun recul, aucun espace d'où pourrait dès lors surgir son image.

    N'existerait-il pas plutôt une relation intime entre le rêve conscient de sa vie et son inévitable représentation en tant que cette dernière ne serait que l'effet le plus spontané et dont le moins visible, le moins remarquable de l'imagination ?

    Dans la mesure où, dit-on,  nous sommes des êtres conscients, c'est à dire des êtres dont l'un des propres est d'être à distance de ce qu'ils sont ou font, arrachés par essence à l'immédiateté stérile d'une vie infra-représentationnelle, condamnés à la non-coïncidence, au jeu comme il existe entre deux pièces qui ne s'ajustent pas, ne peut-on pas penser qu'ils nous est impossible d'évoluer ailleurs que dans une sphère où l'imagination serait le tout ?

    Dès lors il n'y aurait pas de différence de nature entre rêver sa vie et la vivre.  Plus précisément, la vivre serait encore l'imaginer.

     
    Thierry Aymès

    (Copyright: T.Aymès/PACAINFOECO-www.pacainfoeco.com)


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  • Attention , la vie , c'est le truc qui passe pendant que l'on multiplie les projets. (John Lennon)

     
    Malgré ça désinvolture toute anglo-seventiesienne, cette  citation donne sur une belle profondeur.  Sans doute n'est-elle pas originale en elle-même, mais il est toujours bon de se la rappeler.
    Le Beatles nous met en garde contre cette fâcheuse tendance de tout humain à ne pas habiter le présent, à le désaffecter et à lui préférer un futur pourtant hypothétique où il peut s'imaginer plus heureux.
    C'est ICI et MAINTENANT qu'il s'agit d'habiter.  « Conscientiser » le seul temps réel, le seul espace où tout advient. 
    « Le truc qui passe », c'est la vie ; « la vie à chaque instant recommencée ».  Mais ici, le langage s'avère presque impuissant à nous livrer le sésame recélé, à moins que l'on ait recours à une lecture poétique, une lecture intuitive. La difficulté est en effet de saisir que l'instant n'est pas un moment du temps linéaire, du temps séquentiel. 
    La phrase : « la vie a chaque instant recommencée » nous induit en erreur si elle n'est pas dépassée vers ce qu'elle suggère d'atemporel.  Un instant n'a pas plus de « chaque » que de « recommencement ».  A l'instar du point géométrique qui est une « étendue sans espace », nous devons l'envisager comme un « moment sans temps », une pointe sans épaisseur d'où nous tenons notre parenté avec l'éternel ; et l'éternel ne passe pas. 
    « Aimer la vie » serait donc le remède à notre maladie.  « L'aimer » c'est à dire, ne plus espérer en un ailleurs plus beau, en un ailleurs sans ombre, un ailleurs de zénith. 
    Dès lors, Lennon nous invite-t-il à « dés-espérer » d'un désespoir salvateur, pour rejoindre la source éternellement jaillissante d'un présent amnésique et sans orientation.

    « Vivons donc le projet de ne plus en avoir », telle est sans doute la seule voie menant à l'immortalité. OHM !

     

    Thierry Aymès

    (Copyright: T.Aymès/PACAINFOECO-www.pacainfoeco.com)


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