• Anaxagore (500 av JC-428 av JC)

    Tout ce qui se manifeste est vision de l'invisible. (Anaxagore)

     

    Au premier abord, cette citation me laisse perplexe.  Elle est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.  Le mot « vision » me pose problème.  Dans le sens où je l'entends habituellement, je ne parviens pas à comprendre la phrase ou plus exactement, ce que j'en saisis spontanément est absurde. Classiquement, et pour faire court, la vision est envisagée comme une fonction par laquelle des images sont captées par l'œil.  Elle suppose un « en face » vers lequel tendrait un sujet « visant ». J'en conclus que le mot problématique est certainement à prendre dans son acception métonymique ; le « vu » se substituant ainsi au « visant ».  Dans ce cas, une vision est : ce qui s'offre à la vue et...tout paraît plus clair.  Ne dit-on pas par ailleurs : « Quelle belle vue ! », faisant de la vue, au même titre que de la vision dans la phrase à commenter, le synonyme d'un « paysage » ?  Dès lors « Tout ce qui se manifeste » serait-il l'image de l'invisible, ou (puisque Anaxagore s'intéressait fortement à l'anatomie et à la biologie) le symptôme permettant de concevoir le saint des saints du réel, son intimité ?  Anaxagore distinguerait-il déjà la matière et l'esprit ? Et quel est cet invisible ? Est-il à chercher du côté de sa théorie des homéoméries selon laquelle la matière éternelle se résoudrait en parties infinies en nombre et « petitesse » et parfaitement semblables les unes aux autres ? ou doit-on penser qu'il est plutôt le Noûs, cette Intelligence omniprésente, imperceptible et sans fin, mais nécessairement extérieure à tout ce qu'elle anime et organise ? « [...] le Noûs,[lui], est infini, autonome, et ne se mélange à rien; il est seul lui-même et par lui-même... ». Tout ce qui apparaît lui devrait alors sa forme. Avant son action extérieure, la matière n'était qu'un mélange primitif dépourvu d'organisation, un magma.  Mais attention !  N'allons pas trop vite et ne faisons pas de ce présocratique un grand prêtre.  Bien qu'il semble décrire le Noûs comme une force spirituelle, omnisciente et consciente d'elle-même, son action n'en est pas pour autant providentielle.  Qu'est-ce à dire ?  Le Noûs ne poursuit aucun plan et organise au hasard ce qui n'était que chaos avant son intervention.  Il ne vise pas le Bien et n'est pas une volonté morale. Aucune divinité, aucune possibilité de présage donc.  L'homme lui-même ne devrait sa spécificité qu'à une agrégation particulière d'atomes.  Il n'en reste pas moins que cette Intelligence  transcendante ressemble étrangement à un Dieu causa sui, c'est à dire, incausé, si ce n'est par lui-même...

      

    Thierry Aymès

     

    (Copyright: T.Aymès/PACAINFOECO-www.pacainfoeco.com)


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